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Comme les hommes, les peuples qui oublient leur histoire cessent d'exister!


Plan des pages consacrées au département de la Manche

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Les Mouvements de résistance,
La Mission Helmsman,
La préparation du débarquement dans la Manche,
L'entraînement des troupes d'assaut de la Force U,
Les bombardements de l'artillerie lourde côtière,
L'entrée en lice de la 101ème Airborne en Cotentin
l'épopée de la 82ème Airborne,
Sainte-Mère-l'Eglise, première commune libérée...
La longue marche des 507ème et 508ème R.I.P.
L'assaut d'Utah beach,
La bataille de Sainte-Mère-Eglise
La conquête d'Isigny,
La libération de Carentan
La consolidation de la tête de pont d'Utah beach,
La neutralisation des batteries côtières,
L'isolement du Nord Cotentin,
L'isolement de Cherbourg,
La capture et la libération de Cherbourg
L'enfer sanglant de la bataille des haies,
La tête de pont entre la Taute et la Vire,
L'attaque vers Périers,
La contre-attaque allemande.
La Bataille de Saint-Lô,
La colline de Martinville,
La colline 122,
La légende du Major Thomas D. Howie,
La préparation de l'opération Cobra>
L'attaque ratée du hameau de La Varde,
La défaite de Saint-Germain-sur-Sève,
Ultra et «Cobra»
L'opération Cobra,
Les bombardements aériens de Cobra,
Le bombardement
raté du 24/07/1944,

L'attaque de l'infanterie
américaine
,
La libération d'Hébécrevon,
La diversion sur le flanc gauche,
La percée des blindés américains
l'élargissement
de la brèche de Cobra,
Le piège se referme,
La poche de Roncey,
L'oeuf d'oie
de Bradley,
L'attaque alliée à
l'Est de la Vire,
4 jours de combat,
du XIXème Corps,
La bataille de
Moyon-Troisgots,
Ruée sur Avranches
La Directive n° 1
du Gl Bradley,
La capture de Brécey,
et celle de Coutances,
Objectif Avranches,
Les points de passage
vers la Bretagne,
sous contrôle,
Les batailles de Mortain,
La capture de Mortain,
La 1ère bataille de Mortain
La 1ère bataille de Mortain (suite),
La conception de l'encerclement
des forces allemandes,
Le dilemme allemand,
La fin piteuse de
la bataille de Mortain
La 3ème Armée US
dans la Manche

Résistance, Maquis et Libération du département de la Manche(suite de la page 5)

Les opérations préliminaires

Pendant que les chars moyens Shermans étaient retirés du front pour être équipés en série en "hedgecutter", des troupes nouvelles, à savoir, quatre divisions d'infanterie et quatre divisions blindées continuaient à débarquer dans le Cotentin. La capture de Saint-Lô donnait du champ à la première Armée américaine et lui permettait enfin de mettre en ligne ses blindés en vue d'une guerre de mouvement, tandis la Mission Helmsman (1) donnait des renseignements essentiels sur la profondeur et les positions des unités allemandes en en révélant les disjonctions et en confirmant l'idée de Bradley sur l'importance stratégique du plateau au Sud de Saint-Lô.

Alors que Bradley installait, le 22 juillet 1944, le premier échelon de communication de son Etat-major à Valognes et que le port de Cherbourg commençait à reprendre vie depuis le 16 juillet, Patton, arrivé en Normandie le 6 juillet avait été expédié à Nehou au bord de la Douve, inventait une percée au sud de Saint-Lô qu'il détaillait à la presse, constituait l'Etat-major de la 3ème Armée U.S. et étudiait le dossier des ports bretons, dont la capture était jugée prioritaire.

Alors que Rommel quittait, vers 16 heures le 17 juillet, le Q.G. de Sepp Dietrich, commandant le 1ère SS Panzer Korps SS Adolph Hitler, pour le château de La Roche-Guyon, il était blessé gravement suite à l'attaque au canon de 20 mm de sa voiture par deux Typhoons, Montgomery s'apprêtait à lancer la nuit suivante, l'offensive GOODWOOD (1500 chars et 250.000 hommes, le pendant de l'opération "Cobra" du côté britannique), qui allait certes libérer Caen et une soixantaine de km2 mais au prix de 500 chars et de la vie de 5.000 hommes, en forçant une forte concentration de blindés venant cette fois de la 15ème Armée allemande à se concentrer entre Caen et Paris. En effet, au moment de Goodwood, les premières unités de la 15ème Armée allemande venaient s'interposer entre Caen et Paris et mettait le flanc Est du groupe d'armées de Montgomery en feu à l'Est de Caen

A ce moment précis, l'opération "Cobra" apparaissait donc comme l'opération de la dernière chance pour faire évoluer OVERLORD comme prévu initialement dans la guerre de mouvement, et les généraux Bradley et Collins, qui était le glaive du premier sur le terrain, ont donc cherché à établir les meilleures bases de départ possibles pour "Cobra" et la percée vers la Bretagne. Pour cela, il fallait neutraliser deux points d'appui solides, des tâches qui furent confiées respectivement aux 83ème et 90ème D.I. du VIIIème Corps.

L'attaque ratée du hameau de La Varde

La 83ème D.I. devait en fait prendre le contrôle du hameau de La Varde sur la rive Est de la Taute et tenter d'encercler et de s'emparer de Périers. Apparemment, le Hameau était tenu légèrement par les Allemands (cinq mitrailleuses en batterie mais avec un champ de tir très large) qui disposaient toutefois d'une solide position défendue par des canons d'assaut à Marchésieux. Le pont avait été détruit par les Allemands. Pour faciliter l'accès de l'infanterie et la mise en place d'un pont, le Q.G. avait accepté de prêter des alligators indispensables sur les plages de débarquement américaines qui sont arrivés trop tard et sans conducteurs.

L'attaque a donc été lancée le 17 juillet à 18h00, sans ces précieux outils par le 331ème R.I. du Colonel York, tandis que le 329ème R.I. du colonel Crabill lançait une attaque de diversion. La première attaque de reconnaissance du 331ème a été repoussée par une mitrailleuse ainsi que l'attaque de diversion qui a coûté 13 blessés. À 18h30, une demi-heure après que la diversion ait débuté, le colonel York a envoyé un bataillon du 331ème R.I. équipé de passerelles préfabriquées, vers La Varde pour l'attaque principale par les marais, battus par l'artillerie allemande. Les soldats américains qui s'enfonçaient jusqu'au cou dans les eaux glauques des marais, ont finalement put parvenir à la tombée de la nuit au hameau de La Varde où ils ont installé une tête de pont précaire. Sans les alligators pour les approvisionner, la position n'était pas tenable en raison de la présence sur le site du pont saboté d'un chasseur de chars allemand, Le bataillon américain a donc dû rebrousser chemin le 18 juillet.

Le 19 juillet, l'attaque a repris à l'aube tandis que le génie lançait un pont Bailey sur la Taute près du château derrière un rideau de fumée renforcé par le brouillard ambiant. Or l'ancien pont comportait des charges non explosées mise en place par le génie pour neutraliser l'ouvrage en cas de contre-attaque allemande. Or un obus allemand a finalement atteint ces charges en faisant sauter le nouveau pont mis en place par les Américains. Quand les Allemands ont contre-attaqué dans l'après midi, les compagnies qui avaient traversé la Taute se sont retirées avec un taux de blessés de cinquante p.100 de l'effectif autorisé. Le taux de renouvellement des hommes et des officiers de la division était le plus élevé de toutes les unités débarquées sous la bannière U.S. en Normandie. « Nous avons bien de nouveaux hommes et ils sont vraiment nouveaux, » a commenté le colonel York; « [ils] ne connaissent pas leurs officiers… et les officiers ne connaissent pas leurs hommes.» En conséquence, l'emploi de la 83ème division d'infanterie a été retiré du programme der l'opération "Cobra".

Et la défaite de l'île de Saint-Germain-sur-Sève

Une mésaventure encore plus grave est survenue, le 22 juillet 1944 à la 90ème D.I. dont le taux de renouvellement des effectifs, y compris les officiers, atteignait 150% des effectifs autorisés. La division devait occuper l'île de deux miles de long sur un demi-mile de large attenante au village de Saint-Germain sur Sève. Il faut dire que les pluies du mois de juin avaient porté le courant de la rivière à son maximum. Or, qui possédait l'île, possédait le passage même si le pont avait été détruit par les Allemands, dont un seul bataillon, fort bien organisé dans les haies, tenait l'île.

Normalement, le général Landrum aurait dû ordonner une opération de nuit, mais avec tous ses nouveaux effectifs qu'il ne connaissait pas, il y avait renoncé. D'abord, les chasseurs-bombardiers n'ont pu intervenir à cause du temps. Puis l'artillerie ennemie a piqué sur sa ligne de départ le bataillon d'assaut, le pilonnage ennemi provoquant 42 blessés dans un bataillon de la 90ème D.I... les tirs de contre-batterie américains restant, eux aussi, sans effet. Finalement, le bataillon d'assaut est parti en pataugeant dans le marais avec un taux de 50 p. 100 de blessés, a pris pied sur l'île. Il a été rejoint par l'équivalent d'une autre compagnie de fusiliers qui a pris le même itinéraire en subissant les mêmes pertes.

La seule méthode pratique pour traverser le secteur exposé était l’infiltration, et la plupart des hommes envoyés vers l'île se sont égarés. Bref, au soir du 22 juillet, près de 400 hommes soit, beaucoup plus que l'effectif des soldats allemands, bien armés il est vrai, étaient installés en fer à cheval sur l'île, la frousse au ventre en raison sans doute du nombre de blessés de leurs unités, alors que les tirs ennemis empêchaient le génie américain d'installer un pont. Dans l'obscurité, beaucoup d'hommes ont, les uns après les autres, quitté leurs postes, sous prétexte généralement d'aider des blessés et ont furtivement rebroussés chemin. Quand le général Clarke s'est aperçu que le commandant du bataillon et son état-major n'avait pas quitté le rivage!... A l'aube du 23 juillet, le pilonnage de l'artillerie allemande a repris, tandis que trois chars et un canon d'assaut, appuyant une trentaine de soldats allemands passaient à l'assaut, empêchaient toute retraite. C'était la fin et ce combat et cette défaite sans gloire s'est soldée par une centaine de morts, 500 blessés et 200 prisonniers américains.

L'ennui est que la 90ème D.I. avait été entraînée auparavant par un certain Dwight D. Eisenhower. Le Général Landrum a donc été relevé de son commandement, et l'encadrement de la division sérieusement revu, avec des hommes qui n'avaient pas l'expérience de la guerre des haies. Or justement, tout l'entraînement des G.I. avait été orienté vers la guerre de mouvement, la destruction des chars ennemis et la neutralisation des équipes d'assaut associant chars et grenadiers ou fusiliers. Par ailleurs, les communications entre les troupes au sol (notamment les chars) avaient été grandement améliorées par l'installation de radios VHF permettant aux chars de tête de communiquer directement avec les pilotes de la IXème T.A.C du général Quesada, une formule qui va très vite se muer en une formule de "couverture aérienne" de la progression des colonnes chars.

En outre, en juillet, grâce au contrôle radar IFF généralisé, les américains créaient une chasse de nuit au-dessus de la zone de la 1ère armée, arme qui était généralement l'apanage de la R.A.F., et deux groupes de chasseurs-bombardiers s'installaient chaque semaine en Normandie (12 bases opérationnelles au 25 juillet 1944 en Normandie), ce qui raccourcissait singulièrement les délais et les conditions de leur intervention.

La construction de la force américaine s'est poursuivie activement en juillet. Pendant la guerre des haies, et jusqu'au 25 juillet, quatre divisions d'infanterie et quatre divisions blindées ont débarqué en Normandie sous la bannière étoilée, l'effectif total de l'armée américaine étant porté à 22 divisions dont 6 blindées et 2 divisons aéroportées, tandis qu'un demi million de tonnes d'approvisionnement était débarqué.

Schéma du plan d'attaque du VIIème Corps dans "Cobra" tel que prévu le 20 juillet 1944
Plan extrait de "BREAKOUT AND PURSUIT", par Martin Blumenson,
pour le CENTER OF MILITARY HISTORY UNITED STATES ARMY (service historique du Pentagone)(cf. 13)
Tranquillement, le général Collins mettait en place les unités qui étaient attribuées au VIIème Corps d'armée dans le cadre de l'opération "Cobra", primitivement prévue le 20 juillet 1944, et qui, comme dans l'opération GOODWOOD, prévoyait un bombardement en tapis (carpet bombing) d'une zone rectangulaire au sud de Saint-Lô large de 7 kilomètres de front sur environ 2.000 mètres de profondeur juste au sud de la route Périers-Saint-Lô. Pour ce faire, le général Collins disposait de deux divisions d'infanterie, en principe la 9ème et la 30ème, chargées de prendre Marigny et Saint-Gilles, de protéger le flanc de la percée, et de deux divisions blindées la 2ème (qui devait pénétrer dans la zone du Vème Corps) et la 3ème, et de la première division d'infanterie motorisée (qui, rattachée au CCB de la 3ème D.B., devait également se mouvoir vers les zones des Vème et VIIème Corps), après avoir exploité rapidement le passage large de 3 miles entre Marigny—Saint-Gilles.

Quant à la 2ème Division blindée, renforcée par le 22ème Régiment de combat de la 4ème DB, elle devait progresser le long du flanc gauche (ou est) du Corps. L'une devait pousser directement vers Le Mesnil-Herman pour couvrir le mouvement de l'autre, et préparer pour de futurs mouvements vers Villebaudon et Tessy-sur-Vire et Tessy-sur-Vire, deux points critiques de renforts allemands possibles. Tel était le plan initial de la percée des lignes allemandes prévu par les généraux Bradley et Collins

Tout aurait pu être prêt pour le 20 juillet, sauf le temps qui restait désespérément couvert et le restera jusqu'au 25 juillet. Mais ces journées d'attente furent utilisées avec profit par l'Armée américaine à partir du 21 juillet pour interroger Emile DEJONC et Jean VAUZELLE qui s'étaient réfugiés dans une maison de Saint-Lô au plus fort de l'attaque de la ville et qui, dans le cadre de la mission Helmsman vont livrer des renseignements tout à fait intéressants sur les unités allemandes qu'ils ont croisées et surtout sur les disjonctions du front allemand, que leur aventure fait clairement apparaître.

Et puis, le 20 juillet 1944, c'est également le jour de l'attentat raté par Stauffenberg contre Hitler dans son P.C. de Rastenburg en Prusse orientale, qu'on appelait le Wolfsschanze (la tanière du loup). Bien beaucoup d'historiens le nient, l'attentat raté va avoir des conséquences sur la conduite de la campagne de France. Non seulement Hitler va prendre en main l'intégralité de la conduite de la guerre à l'Ouest, mais l'épuration va écarter ou éliminer des officiers chevronnés parfaitement conscients que la guerre était d'ores et déjà perdue. Du coup, le travail indispensable d'approvisionnement et de maintenance des unités motorisés va s'en ressentir même dans les unités SS, alors qu'elles ont été très sérieusement affectées par le bombardement de GOODWOOD.

Le 20 juillet 1944, von Kluge conférait avec Eberbach et Hausser et les chefs des unités engagées contre l'opération GOODWOOD dans un bois près du Q.G de la Panzerarmee. L'ambiance était particulièrement pessimiste, Eberbach gémissant sur la perte de 40.000 hommes provoquée par l'offensive anglaise remplacés en tout et pour tout par 2.700 hommes. L'ensemble des généraux présents critiquaient ouvertement (y compris les SS) les ordres du Grand quartier général du Führer et évoquèrent la retraite de France des armées allemandes avant qu'elles ne soient détruites. Von Kluge tint bon et donna l'ordre de maintenir la ligne de front de Caen avant de partir, pour La Roche-Guyon, où se trouvait son Poste de Commandement et où il apprendra l'attentat raté contre Hitler.(2)

Le lendemain, von Kluge, qui avait tenté infructueusement d'entrer en contact avec l'armée américaine, écrivit une lettre au Führer prévoyant que le moment approchait où le front pouvait craquer et sollicitant que des mesures soient prises pour ordonnancer la retraite. Le 23, Hitler répondra favorablement à la demande de von Kluge, ordonnant de dresser un plan de retrait de l'armée allemande de la France et de rappeler les membres de l'organisation Todt du Pas-de-Calais afin de restaurer la ligne Siegfried... La capture de cet ordre par Ultra remettra les pendules à l'heure dans les relations entre Bradley, le Maréchal Montgomery et Dwight D Eisenhower.

Comme le temps était trop incertain en Cotentin, il était maintenant prévu que le bombardement lourd en tapis de bombes d'une heure, par 1800 bombardiers lourds anglais et américains utilisant des bombes de 250 kg de TNT et accompagné d'un bombardement puissant de l'artillerie américaine, serait suivi d'un bombardement par 350 chasseurs bombardiers de vingt minutes et suivi d'un bombardement par 396 bombardiers moyens (bimoteur) de 45 minutes utilisant des bombes au napalm et au phosphore. Tout était en place pour mettre en œuvre l'opération COBRA.
L'ordre de bataille de l'opération "Cobra"(3)
(cliquer deux fois sur la carte)
Carte extraite de "BREAKOUT AND PURSUIT", rapport de Martin Blumenson, CENTER OF MILITARY
HISTORY UNITED STATES ARMY (service historique du Pentagone), Washington DC, 1993.cf note 13.

L'opération Cobra

Dans toute bataille importante, et il s'agissait d'un affrontement entre la VIIème Armée du Reich et la 1ère armée U.S., il est indispensable de disposer d'un ordre de bataille qui donne un aperçu le plus exacte possible de forces en présence. Et sur ce point, les généraux Bradley et Collins disposaient de renseignements extrêmement précis, comme probablement aucun général n'en a disposé d'autant dans aucune autre guerre de l'histoire humaine. Le dispositif des forces en présence est récapitulé sur la carte très précise qui a été dressé par les historiens du Pentagone et extraite de l'ouvrage "Cross Channel attack".

Les forces en présence

S'agissant des réserves de l'Armée allemande, qui forment un élément essentiel du Corps de bataille et peuvent en modifier le cours, alors que von Kluge, qui remplaçait maintenant Rommel tout en commandant OB West et craignait une grande offensive américaine qui aurait suivi l'offensive de GOODWOOD, avait demandé à la 7ème armée de retirer du front, où elles se battaient en défense, la 2ème SS Panzer Division et la Panzer Lehr. Pour se conformer à cet ordre, Hausser, le commandant de la VIIème armée, s'était contenté de détacher deux escadrons de chars de la 2ème SS Panzer Division pour les placer dans la réserve d'armée. En fait, le général Hausser attendait l'arrivée de la 363ème Division d'infanterie (venant de la quinzième armée) pour exécuter l'ordre de von Kluge et n'avait pas pu sortir du front la Panzer Lehr parce que Von Choltitz, commandant le LXXXIVème Corps et beaucoup mieux en cours que lui à l'O.K.W., avait retiré du front la 275ème D.I. pour la mettre en réserve de son Corps. On voit combien la guerre, l'indisponibilité de Rommel blessé, et la prise de direction des opérations par Hitler avait érodé la trop fameuse discipline des armées allemandes. Toujours est-il que cela arrangeait bien les affaires du côté américain.

Pourtant Hausser aurait dû s'alarmer. A l'absence de remplaçants des disparus sur le champ de bataille, à l'insuffisance du remplacement de l'artillerie détruite et aux insuffisances de l'approvisionnement et l'absence de la Luftwaffe dans le ciel, s'ajoutait l'érosion des forces terrestres. La bataille des haies avait réduit ses forces à un niveau alarmant. Le peu qui restait des unités statiques qui avaient combattu depuis le début de l'invasion manquaient de moyens de transport, d'équipements adéquats, et même d’armes... Et de surcroit, Hausser n'a pas décelé les concentrations américaines de la 4ème D.B. américaine dans la zone du VIIIème Corps et dans la zone du VIIème Corps du général Collins des 2ème et 3ème Divisions blindées et de la 1ère Division d'infanterie motorisée américaines qui traduisait bien l'intention de l'armée américaine de passer de la guerre des haies à la guerre de mouvement.

L'occupation des secteurs des unités allemandes était en gros la suivante:
  1. Dans le secteur côtier, au sud de Lessay, restaient en place les restes de la 243ème Division battue et à côté d’elle la 91ème Division qui contrôlait les survivants de la 77ème Division et le kampfgruppe épuisé de la 265ème Division (le 15ème régiment parachutiste épuisé de la 5ème Division de parachutiste s'était déplacé à l'est de la Vire pour fournir une réserve pour la 3ème Division de parachutiste dans le secteur Saint-Lô).
  2. La 2d SS Panzer Division encore puissante (augmentée par le 6ème régiment parachutiste) et les forces considérablement affaiblies de la 17ème Division SS de Panzer grenadier défendait la région de Périers.
  3. Immédiatement à l'est, il y avait la 5ème Division de parachutistes, récemment arrivée de Bretagne mais qui comprenait un seul régiment. La Panzer Lehr (augmenté par 450 rescapés du Kampfgruppe Heinz de la 275ème Division et quelques 500 hommes de troupes partiellement qualifiés d'un régiment inexpérimenté de la 5ème Division de parachutistes, plus quelques éléments de la 2ème SS Panzer Division), occupait la plupart du terrain entre la Taute et la Vire, mais sa frontière droite (ou Est) était trop courte de deux miles sur la Vire.
  4. A l'est de la zone du LXXXIVème Corps et jouxtant la Panzer Lehr, quelques 650 homme de troupes usés des combats de la 352ème Division plus quelques unités jointes étaient toutes placées sous le commandement du IIème Corps de parachutistes, occupant un front de deux miles sur la rive ouest de la Vire.
Au total, l'effectif des troupes s'opposant directement aux VIIème Corps U.S. au matin du 24 juillet était de l'ordre de 30.000 hommes. Mais le nombre réel des effectifs en ligne ou proches du front entre la Taute et la Vire étaient beaucoup plus faible, peut-être seulement de 5.000 hommes parmi lesquels quelques 3.200 soldats combattant de la Panzer Lehr et ses unités jointes qui étaient directement sur la trajectoire de COBRA. Le point fort des lignes allemandes était devenu un point faible si l'on entrait dans une guerre éclaire de blindés... En effet, la panzer Lehr au cours de la guerre des haies était passée d'un effectif de 7.000 hommes et 200 chars à un effectif de 2.200 hommes de troupe et 45 véhicules blindés chargés de tenir environ trois miles le long de la route Périers-Saint-Lô. Pressentant le pire, la plupart des habitants avaient évacué les fermes et les villages dans le secteur du champ de bataille. >

Ultra et «Cobra»

Des informations venues du système ULTRA de décryptage des messages transcodés par Enigma se sont révélées particulièrement utiles lors du peaufinage et du lancement des opérations «Cobra» et «Bluecoat», selon Ralph Bennet (4).

Avant le déclenchement de Cobra

Ultra était en grande partie consacré au front américain dans les premiers jours de juillet. Le 1er, il indiquait que, selon l'opinion du IIème Corps de Parachutistes (sur la gauche de Bradley), le jour viendrait bientôt quand l'infanterie allemande ne pourrait plus résister aux Américains parce que ces derniers étaient soutenus par une artillerie supérieure, bien dirigés par des avions d'observation. La 3ème Division de Parachutistes avait clamé dès le 5 juillet qu'elle perdait 100 hommes par jour, soit 97 pour cent de ses pertes pour cette raison. Même si la pression alliée actuelle devait être arrêtée, le IIèmeème Corps de Parachutiste continuait dans cette voie, si le GAF (German Air Force) ne patrouillait pas au-dessus des zones de combat au moins pendant les périodes courtes; il réclamait également un meilleur approvisionnement en munitions de mortier et d'artillerie. Il n'a été répondu ni à l'un ni à l'autre de ces besoins, parce que tous les deux étaient réclamés à nouveau presque immédiatement, et les informations d'un manque d'approvisionnement en munitions des ennemis devaient avoir été très bien accueilli par le commandement américain, lui même contingenté sur ce point depuis les effets de la tempête du mois précédent, et ce même au moment des attaques de Carentan et de Saint-Lô...

. La 2ème SS Panzer était momentanément appelée à sortir de la réserve d'armée et mise à la disposition du LXXXIVème Corps pour contrer une attaque américaine attendue; l'état du carburant, de l'artillerie et des munitions qui avait été rapporté, a soudainement été renforcé pour être concentrée à Périers, une fois de plus comme réserve d'Armée. Avant que le LXXXIVème Corps puisse en conséquence renouveler sa vieille complainte selon laquelle rien n'était fait pour parer une poussée descendant de la côte vers La Haye, von Kluge a pris la décision de déplacer la formation blindée depuis le front Anglais vers le front américain, envoyant de plus la Panzer Lehr pour aider le LXXXIVème Corps à l'ouest de Saint-Lô. ULTRA a avisé plus de 36 heures à l'avance la notification du mouvement, qui n'était pas complet jusqu'au début de la soirée du 9 juillet, mais la copie de l'ordre du LXXXIVème Corps n'était pas parvenue aux commandants alliés; il avait pour objet une attaque à travers le canal de la Vire-Taute peu après l'heure zéro prévue dès l'aube du 10 juillet [dépêches 2300/7 XL 1196 0654/8, 1800/9 XL 1477 0022/10, 1840/9 XL 1456 0426/10 0215/10 XL 1492 1403/10].

La menace immédiate sur la ligne allemande a été évitée par des groupements tactiques de la 2ème SS Pz, qui ont, le 10 juillet, empêché une percée sur le front du LXXXIVème Corps, juste au point où le Corps l'escomptait, puis la division s'est installée à cheval sur la route de Carentan-Périers, mais la plupart des autres informations étaient mauvaises du point de vue allemand partout entre Saint-Lô et la mer. Il y avait plus de rapports sur des pertes lourdes et les «dernières réserves» le 11 juillet, et les efforts laborieux pour retenir les alliés ont laissé la 2ème SS Pz à cours de carburant et de la plupart des types de munitions pendant plusieurs jours. Ils lui ont coûté vingt-deux chars, sept canons et sept camions. Un peu plus vers l'Est, le IIème Corps de Parachutistes était si affaibli qu'il ne comptait pas tenir si les attaques se renouvelaient à la même échelle, et il avait un besoin urgent d'armes de petit calibre pour la 3ème Division de Parachutistes, qui avait perdu quelque 35 pour cent de sa propre force. Seule la Panzer Lehr, qui avait combattu côte à côte avec la 2ème SS Pz dans l'action sur le canal de Vire-Taute, s'est abstenue de réclamations de cette sorte.[2130/11 XL171 1244/12]

Pour la seule journée du 10 juillet, les cinq divisions du LXXXIVème Corps annoncent 578 tués, blessés ou disparus. La Panzer Lehr qui n'avait que 26 blessés le 10 annonce le 11 juillet de lourdes pertes tandis que le Corps annonce de nombreux blessés, y compris parmi les officiers, ce qui lui interdit de tenir la ligne de défense. Le IIème Corps de parachutistes rend compte le même jour de la perte de 6.000 blessés dans la période allant du 6 juin au 4 juillet. Les chiffres des pertes allemandes du 6 juin au 16 juillet étaient estimés par l'Armée à 100.000 dont 2.360 officiers. Et les officiers expérimentés des deux Corps d'armée faisant face aux Américains estimaient que la percée, ou la rupture du front, pouvait intervenir à tout moment.

L'arrivée des renforts n'a pas allégé la préoccupation des Allemands dans la semaine précédant l'attaque. Le 19 juillet, la 5ème Division de Parachutistes est soudainement apparue sous l'autorité du LXXXIVème Corps, suivie deux jours plus tard par la 275ème D.I. Un message, qui localisait précisément de ces deux divisions, a été décodé à temps pour être signalé plusieurs heures avant que la progression américaine ait commencé, et plus tard dans la même journée, il a été confirmé que la 5ème D. Parachutiste s'était glissée entre la 17ème SS PzGr et la Panzer Lehr dans le secteur de Saint-Lô à la Taute. Les unités nouvelles arrivées renforçaient la défense près de la côte, où les Américains ont frappé le plus violemment, la 17ème SS PzGr avait détecté la 3ème Armée américaine sur son front. Le IIème Corps de Parachutistes autour de Saint-Lô a précisé que la 352ème D.I. et la 3ème Division de Parachutistes étaient si épuisées par des semaines de combat continu qu'elles ne pouvaient plus simplement combler les lacunes qui pourraient se produire dans leurs lignes [19 juillet XL 2823 1647/24, Early/2l XL 3284 0657124].

Pour couronner toutes ses nouvelles quelque peu satifaisantes pour les planificateurs américains de la première Armée, une dépêche échangée le 20 juillet envoyé par le général Meindl au général Student, maintenant commandant de l'Armée des parachutistes, se plaignait de la qualité combattante déclinante des parachutistes qui lui étaient confiés et qui ne savaient ni lancer une grenade, ni subit une salve d'artillerie, ni utiliser une mitrailleuse, ni utiliser les outils de retranchement, ni se camoufler. Conclusion 90 p. 100 d'entre aux étaient tués ou blessés dans les jours qui suivaient leur arrivée au front. early/I8 XL 2659 0454/19]

Après le déclenchement de Cobra

Il est clair que le LXXXIVèmeème Corps les Allemands n'a pas su interpréter correctement le bombardement accidentel du 24 juillet qui a été attribué à un surplus de munitions que les Américains avaient dépensé...[1400/l24 xL 3338 19o9/24 et 1800/24 xL 3399 0448/25]

Après le bombardement du 25 juillet, la désorganisation des transmissions était telle que l'on trouve peu de messages établissant la situation des unités allemandes. Pourtant la 2ème SS Pz (et même la totalité du LXXXIVème Corps) ont réclamé désespérément leur approvisionnement en obus de 88 millimètres à employer contre les chars américains, et les Corps ont rapporté des accidents lourds et une situation se détériorant avant l'aube du 26 juillet, ne trouvant qu'un bataillon de la 275ème D.I. pour bloquer la pénétration au sud-ouest de Saint-Lô.[1000/25 XL 3527 0447/26]

Une phrase d'un compte rendu présenté plus tard par le commandant divisionnaire de la Panzer Lehr, le Général Bayerlein, à propos du bombardement des 1600 forteresses volantes qui ont pratiquement éliminé la Panzer Lehr au matin du 25 juillet est devenue célèbre : «A midi le secteur entier ressemblait à un paysage lunaire, avec des cratères de bombe se touchant bord à bord. Coupé de ses hommes par l'avance des Américains qui suivaient, Bayerlein a par la suite trouvé un véhicule incongru, qui lui a rappelé « les éléments arrières de la formation annihilée».

Avec ses ennemis déjà dans Coutances, von Kluge a tenté le 28 juillet de bloquer leur avance plus avant avec les blindés, en amenant les 2ème et 116ème Panzer des secteurs centraux et orientaux, avec le XLVIIème Corps pour les coordonner. Dans les 24 heures suivant sa décision, Ultra avait rassemblé l'essentiel. Le premier signe était un rapport du IIème Corps de parachutistes sur la ligne de front qui a placé le XLVIIème Corps du mauvais côté, et a occasionné un commentaire prudent «Il n'y a aucune autre évidence pour le transfert de la droite vers la gauche du IIème Corps de Para». Peu de temps après, on a découvert que la 2ème Pz s'était déplacée à l'ouest de sa position au sud de Caen la soirée précédente, mais sa combinaison avec la 116ème Pz et l'exacte localisation de cette dernière ont dû attendre jusqu'au lendemain...[1930/28 XL 3943 1404/29, 1000/30 XL 4067 1629/30 et 1200/30 XL 4085 1840/30]

Le 2 août 1944, le commandant du Fliegerkorps IX a exhorté les équipages de ses bombardiers pour un «effort extrême» afin de combler le vide à Avranches et de refuser aux alliés un succès stratégique. Le XLVIIème Corps et la 116ème Pz étaient à court de munitions et de carburant, cette dernière avec de telles lourdes pertes au point qu'elle fut forcé de remettre sa contre-attaque. Il n'y avait aucun front cohérent vingt miles à l'intérieur de la côte ouest (où la 243ème Division était encerclée et réduite à une force de seulement 200 hommes et la 3ème D. de parachutistes réduite à 1500 hommes, soit un régiment) au matin du 30 juillet, de telle sorte que dans l'opinion de la Luftflotte 3 la « crise de la percée » n'était pas encore terminée. Tel était «le désordre terrible» que von Kluge tentait d’affronter en prenant le commandement la VIIème Armée et Ultra avait rapporté à son sérieux pendant la nuit du 30 au 31.

C'est dans ce contexte que von Kluge, ayant exprimé par téléphone ses craintes à Hitler, a été autorisé à transférer depuis la Bretagne la 2ème Division de parachutistes pour la Normandie mais s'est vu refuser la permission de retirer la 319ème Division (environ 40.000 hommes dans les îles anglo-normandes de la Manche. Presque pendant deux mois après les débarquements, la guerre du mouvement était sur le point de commencer.>Son échelle et sa durée ont été dans une large mesure déterminées par l'ordre extraordinaire qu'Hitler a donné à von Kluge le 2 août: préparer une contre-attaque par quatre divisions de Panzer via Mortain sur Avranches et la mer.

Les bombardements aériens de Cobra

Tout était en place pour le bombardement aérien devant ouvrir la bataille, sauf que cela ne s'est pas passé comme prévu. Aucun canal radio d'urgence n'avait été prévu. Or, l’Air Chief Marshal Leigh-Mallory qui avait fixé l’heure H de COBRA à 1300, le 24 juillet, a survolé le secteur à bombarder. Trouvant le ciel trop encombré de nuages épais, il a décidé que la visibilité n’était pas satisfaisante et a ordonné l'ajournement de l'attaque aérienne trop tard. Bien qu’il ait été ordonné aux avions de retourner à leur base sans bombarder, il a été impossible de les arrêter tous. Seuls les bombardiers moyens, programmés pour bombarder en dernier, n'avaient pas décollé quand l'ordre d'ajournement est arrivé. Des six groupes de chasseurs-bombardiers dans le ciel, trois ont bien reçu l’ordre de revenir avant qu'ils aient largué leurs bombes. Quant au message d'ajournement de l'opération destiné aux bombardiers lourds il n’a atteint que quelques avions des dernières formations ayant décollé.

Le premier bombardement raté du 24 juillet 1944

Quand la première formation de 500 bombardiers lourds a survolé la zone cible. Heureusement, les chefs bombardiers ont trouvé une visibilité si mauvaise qu'ils se sont abstenus d'opérer et sont rentrés à leur base. Mais, alors qu'elle avait trouvé elle aussi de mauvaises formations nuageuses, 35 avions de la deuxième vague, après avoir fait trois circuits pour identifier la cible, ont largué leurs bombes. Et plus de 300 bombardiers de la troisième vague, avec des conditions atmosphériques légèrement meilleures, ont largué leurs bombes - environ 550 tonnes d'explosif puissant et 135 tonnes de bombes à fragmentation- avant de recevoir le message d'ajournement annulant l’opération.

Un des bombardiers, chef d'un groupe de 15 bombardiers lourds, avait eu des difficultés pour libérer son déclencheur de bombes et en le manœuvrant a largué sa charge de bombes à 2.000 yards au nord de la route Périers -Saint-Lô, imité immédiatement par les bombardiers de son groupe. Cet incident a tué 25 hommes et en a blessé 131 de la 30ème Division d'infanterie U.S., mais il a fait apparaître qu'au lieu d'aborder la zone de bombardement parallèlement au front- c'est à dire dans le sens de la longueur, les bombardiers l'avait abordé latéralement la zone de bombardement contrairement à la demande instante du général Bradley. Ce bombardement inachevé et très incomplet posait beaucoup plus de questions qu'il n'en résolvait.

Mais l'infanterie américaine a du reconquérir avec beaucoup de difficultés le terrain dont elle s'était retirée momentanément en vue du bombardement. Ain si la 9ème Division a du mettre en ligne trois régiments pour reprendre le terrain perdu: le 60ème R.I. a lutté contre les troupes ennemies qui avaient infiltré l’arrière de la zone de retrait; un bataillon renforcé du 47ème R.I. a lutté jusqu'à la tombée du jour pour gagner une simple rangée de haies et deux bataillons du 39ème R.I. ont combattu huit heures pour réduire un point d’appui en subissant 77 blessés dont le commandant régimentaire. De son côté, la 4ème Division a mis en ligne le 8ème R.I., qui a attaqué en colonne de bataillons appuyés de tanks; après deux heures de combat lourd le régiment a atteint un point à 100 yards au nord de la route, en payant cette reconquête de 27 tués et de 70 blessés. Même le Général Quesada, commandant le IXème TAC, s'est joint à la vague d'indignation générale en expédiant un télégramme de protestation indigné quant à la direction de l'approche des bombardiers lourds alors que ses chasseurs-bombardiers avaient fait une approche latérale. Mais il est vrai que la conférence du 12 juillet 1944, pendant laquelle le général Bradley avait conféré avec les chefs des armées aériennes et l’Air Chief Marshal Leigh-Mallory était lin d'avoir tout régler, y compris la taille des bombes utilisées.

Mais, il n'y avait pas de place pour les regrets, dans l'après-midi du 24 juillet, parce qu’une décision immédiate a dû être prise alors qu'une amélioration du temps dans la Cotentin se confirmait pour le lendemain. Des changements ont été apportés afin d'éviter la répétition des mêmes erreurs. Si les alliés lançaient à nouveau COBRA à 1100, le 25 juillet, le bombardement aérien au nord de la route de Périers-Saint-Lô était maintenant dévolu à l’artillerie. Un avion spécial de reconnaissance météo survolerait le secteur de l'assaut tôt le matin pour obtenir des données atmosphériques exactes et pour découvrir s'il y avait une visibilité adaptée pour le bombardement autant que possible visuel. Enfin, on peut penser qu'un canal spécial avait été rendu disponible pour les communications entre le commandement aérien et les chefs bombardiers.(5)

Le bombardement du 25 juillet 1944

Le 25 juillet vers 13 heures, les avions sont revenus. Volant par groupes de douze, plus de 1.500 B-17 et B-24 ont larguée plus de 3.300 tonnes de bombes sur le secteur de COBRA, et plus de 380 bombardiers moyens ont largué plus de 650 tonnes de bombes à explosifs brisants et de bombes à fragmentation. Par groupes de quatre, plus de 550 chasseurs-bombardiers ont laissés tomber plus de 200 tonnes de bombes dont un grand nombre de bombes au napalm.

La terre tremblait. La hauteur de bombardement avait été fixée à environ 15.000 pieds, mais la présence de nuages contraignait à un réajustement en vol. Beaucoup de bombardiers ont dû recalculer leurs itinéraires en vol. Quelques avions ont bombardé à l'altitude relativement basse de 12.000 pieds, à portée des tirs aériens ennemis. Quand le pilote choisissait de viser sa cible visuellement, il devait quitter sa formation serrée, affronter la Flack, augmentant le risque d'être abattu, pour s'apercevoir que, de toute façon, la poussière et la fumée des bombes déjà explosées et des échanges d'artillerie avec l'ennemi lui cachaient son objectif. De ce fait, beaucoup de bombes ont explosées hors des limites, au sud à l'Est ou à l'Ouest, du fatidique quadrilatère de Cobra. Quelques bombes sont à nouveau tombées au nord de la route de Périers-Saint-Lô et sur des positions américaines.

Au total, les bombes à fragmentation et à explosifs brisants de 35 bombardiers lourds et celles de 42 bombardiers moyens sont tombées dans les lignes américaines. Ces bombardements, relativement légers au Nord de la route, ont tout de même tué 111 hommes des troupes américaines et en ont blessé 490. Parmi les personnes touchées, on comptait des journalistes, des observateurs et surtout, le Lt-General Lesley J. McNair, général commandant les forces terrestres du 1ęr groupe de l'armée américaine (F.U.S.A.G.), l'armée fictive de l'opération de tromperie FORTITUDE, dont la mort fut si embarrassante qu'il fut enterré sans tambour ni trompette. Consterné par des victimes américaines provoquées en deux jours par les bombardements de Cobra, le Général Eisenhower se jura de ne plus jamais employer à nouveau les bombardiers lourds dans une mission tactique. Or l'histoire a cela de curieux qu'il incombera au général Eisenhower de mettre en œuvre dans le cadre de la guerre froide en tant que chef d'Etat-major général de l'armée US le trop fameux Strategic Air Command, et d'en être le Commandant général de cette arme, construite notamment à partir du noyau des flottes de bombardiers lourds des VIIème et XVème US Air Force, en qualité de Président des Etats-Unis d'Amérique...!

Quoiqu'il en soit Parmi les dégâts collatéraux du deuxième bombardement du 25 juillet, il faut citer : Mais on s'en doute, l'effet dévastateur fut encore bien plus grand du côté allemand. Le 24 juillet, le général Bayerlein se félicitait de l'échec apparent de l'attaque américaine, la Panzer Lehr n'ayant pas cédé. Mais il ne lui restait en réalité que 350 hommes et une dizaine de chars sur le terrain. Et ce n'est pas avec l'arrivée de 200 remplaçants en renforts qui ont été versés à la 275ème Division qu'il allait pourvoir boucher les trous dans les rangs allemands. Et effectivement, le même dispositif se renouvela pour le lendemain. Et le second bombardement transforma le quadrilatère de "Cobra" en un paysage lunaire, enterrant les hommes et leurs équipements, retournant les chars comme des crêpes et détruisant tout les réseaux téléphoniques allemands, qui, on s'en doute, sont pourtant essentiels pour lancer une guerre de mouvement. Cela avantageait évidemment les Alliés puisque les Allemands étaient contraints d'utiliser des radiogrammes pour communiquer qui étaient décryptés dans la demi-heure suivant leurs émission par ULTRA.

Un millier d'hommes devait bien avoir péri dans la zone, soit le tiers de l'effectif dans les lignes. Trois postes de commandement de bataillon de la Panzer Lehr étaient détruits et le régiment de parachutistes attaché à la Panzer Lehr avait disparu. à part une dizaine de chars et chasseurs de chars subsistaient dans un état incertain et les survivants étaient paralysés de stupeur. Quant au Kampfgruppe Heinz, il semblait avoir quasiment disparu. Le IIème Corps de parachutistes, qui essayait de rétablir le contact avec la Panzer Lehr dans la soirée, a expédié un bataillon d'infanterie dans le secteur précédemment occupé par le kampfgruppe, il a seulement trouvé les Américains...

L’activité aérienne alliée permanente à l’arrière de la Panzer Lehr pendant l'après-midi du 25 juillet a contrecarré les efforts pour réorganiser une nouvelle ligne de la défense. Un régiment de la 275ème D.I. allemande, qui devait partir de Marigny et pour contre-attaque par La Chapelle-en-Juger, avait perdu toute apparence d'organisation et comptait 200 survivants à la fin du jour.

Au soir du 25 juillet, von Kluge a admis dans son rapport que « le front avait… éclaté.» Les Américains avaient réalisé une pénétration de trois miles de largeur et d'un à trois miles en profondeur. La percéeétait occupée par des unités isolées et sans âme. La 353ème Division d'infanterie et les restes de la 275ème Division avaient été mis en ligne, mais il était très incertain qu’ils puissent reconstituer le front voir rétablir une ligne défensive. Tous les espoirs de von Kluge reposaient maintenant sur la 2ème SS Panzer Division qu'il fallait absolument retirer du front et employer comme réserve mobile. Encore fallait-il pour cela l'accord d'Adolph Hitler et qu'il en ait le temps...

L'attaque de l'infanterie américaine

L'infanterie du VIIème Corps a commencé l'attaque à 11 00. En dépit de la désorganisation que les erreurs de bombardement avaient provoquée, seules deux unités, un régiment de la 9ème Division et un bataillon de la 30ème Division, ont différé leur assaut avec seulement un léger retard. Leur mission: créer un couloir protégé pour poursuivre et exploiter une percée. Les unités devaient donc, occuper aussitôt que possible des objectifs géographiques spécifiques, tels que les éminences et les carrefours qui leur avaient été assignés et les troupes américaines devaient progresser et atteindre leurs objectifs sans se soucier de la progression des unités voisines. Au demeurant, elles disposaient des rations et des munitions qui leur étaient juste nécessaire jusqu'à leur relève. Elles étaient suivies ou accompagnées par des unités du génie militaire chargées du déminage et de la réparation des routes et ponts. Tous les prisoniers et les blessés devaient être gardés ou soignés sur place jusqu'à la relève de l'unité. Les villes de Marigny et de Saint-Gilles étaient les objectifs principaux de l'infanterie. Leur capture signifiait une pénétration de trois miles en profondeur, et leur conservation donnait le commandement du réseau routier du secteur au VIIème Corps d'Armée.

L'objectif immédiat du 330ème R.I. était près de la Taute, le marais en contrebas hérissé de rangées de haies juste en dehors du secteur de bombardement de COBRA. Comme la 83ème Division avait été incapable une semaine plus tôt de forcer un passage sur la Taute au-dessus de la chaussée de La Varde, les Allemands occupaient toujours l’île de La Varde et constituaient une menace sur le flanc droit du régiment. Dispersé sur une large zone, sans force en profondeur, faisant face aux marais bordés de haies en contrebas, il fallait attaquer des troupes ennemies qui n'avaient pas été affectées par les bombardements de COBRA, et être harcelé par le tir du chasseur de chars de proche de Marchésieux, le régiment avait une mission aussi difficile qu'essentielle. La progression aurait été rapide si les chasseurs-bombardiers et les bombardiers moyens frappaient encore la zone cible de COBRA au sud-est des positions du régiment.

En dehors de ce cas de figure, il y avait peu de chance que la position allemande de La Varde tombe rapidement tant que le chasseur de chars ne serait pas pris à partie par les chasseurs bombardiers, les efforts de l'artillerie de la division restant sans effet. La 9ème Division devait attaquer vers Marigny, le long de la route principale, qui devait plus tard servir à l'exploitation principale par les blindés de la poussée. Les unités d'assaut se sont déplacées plutôt rapidement à travers une ligne d'avant-postes hostiles au nord de la route Périers-Saint-Lô, en contournant plusieurs points d’appui qui restaient toujours actifs. Quand la 9ème Division a décalé sa progression à l'ouest et a rencontré des Allemands restés en dehors du tapis de bombes, l'infanterie a peu progressé. Bref, en raison de la ténacité allemande, les unités d'assaut de la 9ème Division, à quelques exceptions près, n'ont pas atteint leurs objectifs.

Les troupes ennemies qui avaient échappé au bombardement ne semblaient pas du tout affectées par le sort des unités voisines qui avaient disparu. Au centre du secteur du VIIème Corps, le Général Barton avait seulement mis en ligne le 8ème Régiment d'infanterie de la 4ème D.I. qui a attaqué sur un front de 2.000 yards. A la tombée de la nuit les troupes de tête du 1er bataillon d'assaut étaient juste à l'est de La Chapelle-en-Juger. Le second est tombé sur une forte résistance qui lui était opposée dans un verger rempli d'allemands. 18 chars de soutien de l'infanterie sont alors arrivés qui ont écrasé le verger. Mais petit à petit la résistance allemande se désagrégeait. Après avoir traversé la route Périers-Saint-Lô, les deux bataillons du 8ème d'infanterie, sans attendre l'arrivée de leurs chars de soutien on détruit au bazooka deux chars ennemis, la position ennemie étant finalement réduite par les Shermans. Finalement le 8ème R.I. a reçu l'ordre de se prendre La Chapelle-en-Juger tandis que la 30ème Division était dirigée vers Saint-Gilles, avec l'objectif de prendre au minimum Hébécrevon.
La percée 25-27 juillet 1944(13)
(cliquer deux fois sur la carte)
Carte extraite de "BREAKOUT AND PURSUIT", rapport de Martin Blumenson, CENTER OF MILITARY
HISTORY UNITED STATES ARMY (service historique du Pentagone), Washington DC, 1993.cf note 13.

La prise d'Hébécrevon

La 30ème Division devait dégager la route à Saint-Gilles pour sécuriser la progression des blindés et également d'établir des barrages routiers sur les ponts à travers la Vire au sud de Saint-Lô en protégeant la sécurité du flanc est des colonnes américaines. Juste après avoir traversé la route Périers-Saint-Lô, la 30ème Division a rencontré un barrage routier s’appuyant sur trois chars mark V. Un premier affrontement a coûté trois chars américains et il a fallu procéder à une reconnaissance agressive et à un double enveloppement pour que l'infanterie neutralise, en parfaite coordination avec les blindés une douzaine de véhicules blindés et réduise la résistance allemande. En attaquant Hébécrevon, la 30ème Division a dû traverser une vallée, en utilisant une route non pavée et minée avec des bas-côtés abruptes, et entreprendre un assaut frontal. Comme les tirs allemands empêchaient le génie de déminer la route, les chars ne pouvaient pas accompagner l'infanterie. Le manque de routes alternatives, l'absence d’emplacements de croisement, la proximité des unités adjacentes, et la congestion de troupe contrariaient la manœuvre. Une attaque aérienne n'a apparemment eu aucun effet sur la puissance de feu ennemi. En début de soirée le commandant régimentaire du 119ème R.I. infanterie a demandé des précisions sur ce qui paraissait être une mission paradoxale : fallait-il capturer Hébécrevon ou contourner la résistance ennemie?

Les deux, a répondu le Général Hobbs, l’essentiel étant de prendre le contrôle du carrefour dans le village. Mais quand l'obscurité est tombée les soldats d'infanterie et les tanks purent progresser vers Hébécrevon. Les soldats, agissant comme des chiens d’aveugle, dirigeaient les Shermans autour des cratères de bombe et à travers les champs de mines vers leurs positions de tir. Leur pilonnage a bientôt eu l'effet désiré. aux environs de minuit les troupes américaines entraient dans Hébécrevon.

Le général Hobbs a constaté que l'effet du bombardement sur l'élimination de la résistance de l'infanterie allemande était négligeable. Les Allemands semblaient persister à contester de façon opiniâtre chaque pouce de terrain la terre. L'infanterie américaine ne pouvait croire que derrière cette résistance opiniâtre, il y avait un trou béant dans les lignes allemandes. Pour sa part, le Général Collins avait constaté l'absence de coordination de la défense allemande. Cela pouvait signifier que la ligne de la résistance principale ennemie avait été écrasée. Même si l'infanterie n'avait pas totalement remplit les objectifs qui lui avaient été fixés, les routes essentielles au sud de Marigny et de Saint-Gilles paraissaient avoir été suffisamment dégagées pour permettre au moins le commencement de la progression des blindés. Dans l'après-midi du 25 juillet 1944, il décida de mettre de lancer ses blindés pour le lendemain matin. La suite a prouvé qu'il avait raison mais il est certain que les renseignements donnés par la Mission Helmsman ont puissamment contribué à conduire le général Collins à la bonne décision.

La Diversion sur la flanc gauche de Cobra

A l'est de la Vire, se trouvaient les XIXème et Vème Corps, ce dernier au contact avec le Armée de du maréchal Montgomery, à propos desquels Bradley avait donné peu de renseignements concrets. Il lui fallait donc couvrir le flanc gauche (ou est) de Cobra,, et c'est bien le seul ordre précis qu'il fait parvenir aux généraux Corlett et Gerow, qui commandaient ces deux Corps d'armée. C'est le général Corlett qui avait dans cette matière la tâche la plus ingrate, puisque non seulement il devait être prêt à déplacer le XIXème Corps sur la rive ouest de la Vire, mais il devait fournir un appui feu complet au VIIème Corps au moins pendant Cobra. De plus il n'était pas assurer que son propre flanc gauche serait couvert par le Vème Corps dont le front formait une ligne incurvée d’environ quinze miles de long, à partir du flanc droit s’appuyant sur la colline 192, le centre à Bérigny, et le flanc gauche proche de Caumont. Le rôle du Vème Corps était tout simplement de bloquer l'armée allemande pour l'empêcher de dépêcher des renforts, et surtout des chars, pour empêcher l'encerclement du LXXXIVème Corps de Von Choltitz.

Or, c'est finalement au Vème Corps commandé par le général Gerow, qui ne disposait que deux divisions d'infanterie (la deuxième et la cinquième, que va échoir la principale part de l'attaque de diversion de Cobra. En effet, la colline 101 au sud de Saint-Lô formait un saillant entre Saint-Lô et Caumont au sein du front du XIXème Corps à partir duquel les Allemands pouvaient surveiller tout ce qui se passait dans les lignes américaines. Finalement le général Gerow s'est sagement limité comme premier objectif de son attaque de diversion à l'assaut et la capture l'arête de Saint-Jean-des-Baisants. en menaçant ainsi d'encercler la colline 101.Après des accords pris entre Bradley et Montgomery quelques jours avant le lancement de Cobra, la deuxième armée britannique s'était déplacée à l'ouest, en prenant la responsabilité de Caumont ce qui ramenait la zone de la 5ème Division à sa façade régimentaire.

C'est donc le 26 juillet à l'aube, que 192 canons américains et 44 britanniques ont tiré une préparation d'artillerie de vingt minutes pour ouvrir l'attaque américaine à l'est de la Vire. C'était l’effort précurseur de l'artillerie lourde américaine qui, vers la fin du premier jour de Cobra, avait consommé la moitié des munitions assignées aux Vème Corps pour une période de cinq jours....C'est alors que les chars "hedgecutters" (coupeurs de haies) du général Robertson sont intervenus d'abord seuls pour ouvrir des trouées dans la rangées de haies puis sont ensuite repartis pour revenir immédiatement accompagnés cette fois de l'infanterie d'assaut de la 2ème Division.

Avec cette tactique, deux des trois régiments de la 2ème Division ont notablement progressé. Sur sa gauche, le 9ème R.I. avait placé 25 mitrailleuses de calibre 0.50 (12,7 mm)- précédemment mises en place sur l'éminence pour fournir un tir de flanquement à travers le front régimentaire et ont avancé de façon constante sur presque deux miles. Un régiment a presque atteint la route Saint-Lô-Caumont. En formant la moitié d’une tenaille sur le flanc droit du Corps, le 23ème R.I. a progressé de presque un mile et a atteint une route de campagne latérale. Là, un fort barrage d'artillerie a stoppé le rapprochement des machoires de la tenaille formée par les unités américaines avec les unités du 38ème R.I.

A l'approche de l'arête de Saint-Jean-des-Baisants, les unités les tirs d'artillerie allemands devenaient plus précis à tel point qu'ils ont sont presque parvenus à désorganiser les unités américaines . Néanmoins au soir du 26 juillet, le colonel A. Worrell Roffe, a pu maintenir l'attaque de son régiment sur encore 1.500 yards. En coupant la route Saint-Lô-Caumont, le régiment avait avancé de deux milles au total. A mi-chemin de la route de Saint-Jean-des-Baisants, le Vème Corps avait fait 300 prisonniers mais avait perdu 1.000 blessés. C'était le prix à payer pour la percée du front allemand, dans une zone particulièrement sensible.

Reprenant l'attaque le 27 juillet, le Vème Corps a avancé mais n'a pas atteint son objectif. Les deux régiments de la 2ème Division, comportant le bras droit du mouvement en tenaille du Corps, ont gagné environ mille yards en rencontrant une résistance beaucoup plus émoussée que la veille. Mais il était à un mile de la crête de l'arête de Saint-Jean-des-Baisants . Mais le véritable succès du corps avait été d'éliminer le saillant de Bérigny, après avoir contourné et nettoyé la zone marécageuse et boisée en contrebas. En fait, prévoyant le risque d'un encerclement, les Allemands commençaient à se retirer de la colline 101 au sud de Saint-Lô au matin du 27 juillet 1944, ce qui a eu pour effet de faire tomber plusieurs ponts sur la Vire au sud de Saint-Lô. Au soir du 27 juillet, comme le général Corlett s'y attendait, Bradley déplaçait le XIXème Corps à l'ouest de la Vire et comme le général Gerow l'avait prévu, il rattachait la 35ème Division au Vème Corps dont la responsabilité pouvait, elle aussi, se prolonger à l'ouest de la Vire. Cette fois, pour les Vème et XIXème Corps, l'opération Cobra était terminée mais pas l'exploitation de leur percée à l'est de la Vire...

La percée des blindés de "Cobra" (Breakthrough)

Normalement, trois colonnes blindées étaient prêtes à foncer vers le sud et l'ouest sur l'ordre du général Bradley. Mais, dans la mesure où l'infanterie n'avait pas pu conquérir les centres routiers essentiels de Marigny et Saint-Gilles, il y avait un grand risque d'embouteillages tout a fait nuisibles à la bonne fin de l'opération. Deux colonnes blindées soutenues chacune par 200 chasseurs-bombardiers ont donc été chargées l'une de prendre Marigny et l'autre Saint-Gilles dans le cadre de l'exploitation de Cobra.

Le dégagement de la route vers Marigny est donc passé sous la responsabilité du Major Général Clarence R. Huebner, Commandant la 1ère Division d'infanterie et le groupe de combat B (Combat Command) de la 3ème Division blindée, qui y était attaché. Mis en alerte dans l'après-midi du 25 juillet pour traverser la zone de la 9ème Division le lendemain et pour capturer Marigny, le Général Huebner a ordonné au CCB (colonel Truman E. Boudinot) et au 18ème R.I. renforcé (colonel George Smith, Jr.) d’attaquer côte à côte à cheval sur la route. Le Général Huebner espérait prendre Marigny rapidement et engager immédiatement l’exploitation de la conquête de Marigny vers Coutances. La 1ère Division avait achevé son approche à proximité de la route de Périers-Saint-Lô pendant la nuit du 25 juillet, mais peu après l'aube, du 26 juillet, ses unités de tête avaient dû contourner une poche ennemie de 150 hommes JUSTE au nord de Sa ligne de départ de 150 hommes. La réduction de cette petite force par le bataillon de réserve du 18ème R.I., a facilité l’avance des troupes américaines vers Marigny. =

La difficile conquête de Marigny...

Avec le CCB du côté droit (à l’ouest) de la route et du régiment d'infanterie du côté gauche, les troupes de la 1ère Division se sont déplacées avec précaution afin d'éviter les cratères de bombes et les noyaux de défense allemands dans les rangées de haies et dans les barrages routiers, non sans avoir perdu par blessures lourdes des officiers d'infanterie. Tôt dans l'après-midi, Près de Marigny, les troupes ont rencontré une résistance croissante de la 353ème Division allemande et de deux compagnies de la 2ème SS Panzer Division. Plusieurs chars Mark IV et quelques canons antichars de 75 mm au nord de la ville ont a arrêté la progression des américains. En fin d'après-midi, une attaque aérienne tactique a permis aux éléments blindés d'atteindre la limité nord de la ville et de finaliser un encerclement verrouillé pendant la nuit à environ un mile à l'ouest de Marigny. Un bataillon du 18ème R.I. s'était toutefois complètement égaré dans cette opération, après avoir cru que les chars américains avaient capturé Marigny.

La résistance inattendue des Allemands à Marigny est la cause d'une certaine confusion jusque dans l'état-major du général Collins, qui a donné l'ordre de prendre Coutances afin de verrouiller la retraite des Allemands. C'est ce qui a conduit le général Huebner à changer son plan de manœuvre au matin du 27 juillet en affectant le 26ème R.I. à la réduction des risques d’embouteillages, au CCB la capture de Camprond, son premier objectif. Au lieu de suivre les blindés, le 18ème R.I. devait maintenant capturer Marigny, puis envoyer un bataillon pour relever les blindés à Camprond. Le 16ème R.I., au lieu de relever le 18ème R.I. à Camprond, devait faire un large détour à l'ouest, échelonné sur le flanc arrière gauche du CCB, et se déplacer en prenant toutes les points d'appui sur son chemin menant aux routes jusqu'au nord de Coutances.

En réalité, la résistance que trouvait la seconde division d'infanterie américaine était due à des mesures prises pour organiser le repli des lignes allemandes derrière la Sienne et la Soule. Croyant toujours que le secteur de Caen était principalement concerné par une attaque des alliés, Kluge a refusé d'encourager la retraite du IIème Corps de parachutistes, afin de ne pas découvrir le flanc ouest du Panzer group West. Il a donc ordonné au IIème Corps de parachutistes de défendre sur place le secteur Saint-Lô-Caumont tandis que le LXXXIVème Corps, soutenu par la 2ème SS Panzer division, devait ancrer ses forces sur Coutances et exécuter des combats de retraite sur la ligne de la Soulles et de la Sienne. En attendant, il assemblait une division blindée expérimentée et mise u repos dans la région de Caumont pour une action dans le Cotentin afin de lancer une contre-attaque y incluant la panzer Lehr et la 275ème Division... qui n'existaient plus. En plus de la 9ème Division de Panzer, que von Kluge avait demandée la veille, il a demandé à l'OKW de lui envoyer quatre divisions d'infanterie en Normandie à prélever sur les 15ème et 19ème Armées.

Le jour suivant, le 28 juillet, alors que le général Patton prenait silencieusement en main l'aile ouest de l'opération blindée "COBRA" avec le titre de commandant délégué de son ex-élève, le général Bradley, Hitler a autorisé (beaucoup trop tard, on le sait) le mouvement vers la Normandie de trois divisions d'infanterie, de la 84ème, de la 331ème, et de la 708ème. En attendant, dans le Cotentin, les unités du LXXXIVème Corps au nord de la route Saint-Lô-Coutances s’étaient infiltrées vers le sud à travers les colonnes du VIIème Corps américain ou se déplaçaient toujours autour de l'extrémité ouest du point d’appui américain pendant la nuit du 27 juillet. Le 28 juillet, couverts par un régiment renforcé de la 2ème SS Panzer Division, qui tenait un arc défensif allant de Cambernon à Savigny, les unités allemandes sur la côte ouest du Cotentin, à savoir les restes de la 243ème Division épuisée, ceux du kampfgruppe de la 265ème Division et des éléments subsistants de la 77ème Division et de la 5ème Division de parachutistes ont continué à se déplacer vers le sud, apparemment sous le commandement opérationnel de la 91ème Division. Quand aux survivants de la 17ème SS Panzer Grenadier Division, ils se déplaçaient en plein jour, malgré le harcèlement aérien depuis Couverts par un régiment renforcé de la 2d SS Panzer Division, qui tenait un arc défensif allant de Cambernon à Savigny, les unités sur la côte ouest de Cotentin ont continué à se déplacer vers le sud le 28 juillet. Les unités étaient la 243ème Division épuisée, le kampfgruppe de la 265th Division, et des éléments de la 77ème Division et de la 5ème Division de parachutistes, toutes apparemment sous le commandement opérationnel de la 91ème Division. Ce qui restait de la 17ème SS Panzer Grenadier Division s'est déplacé en grand jour, malgré le harcelement aérien, depuis la Cerisy-La-Salle jusqu'à ce leur rencontre avec une colonne blindée américaine près d'Ouville.

Le 28 juillet, au nord de la route Saint-Lô-Coutances, le CCB s'est heurté à peu d'opposition sur sa progression vers Cambernon. Après avoir neutralisé deux chars Panther Mark V avec des bazookas, les troupes de reconnaissance ont pris l'objectif, le contrôlant à midi. Quand le colonel Boudinot a demandé la permission de continuer à l'ouest vers à Monthuchon, le Général Huebner a approuvé sous le contrôle du Général Collins. (Carte VI). Mais cette autorisation a été annulée dans l'après-midi par crainte d'un entremêlement sérieux avec les troupes du VIIIème Corps. Forcés de s'arrêter sur place, les tankistes pouvaient voir la ville de Coutances distante de quelque deux miles, le 16ème R.I. attaquait à l'ouest, vers Monthuchon, dans une zone au de la route Saint-Lô-Coutances, où il a trouvé une ligne de défense allemande bien organisée. Mais l'encerclement de Coutances commençait à prendre tournure...

Peu avant la tombée de la nuit, le Général Huebner a demandé au CCB de voler à l'aide du 16ème R.I. Obliquant vers le sud-est et attaquant, le groupe de combat a pris en tenaille l'arrière de la position ennemie. Tombée dans le piège, la défense allemande s'est désagrégée. A minuit le CCB et le 16ème R.I. avaient le contact d'escroquerie. Commise pour la dernière fois, dans Cobra, le 26ème R.I. a traversé Marigny au matin du 28 juillet, elle a progressé vers l'ouest pour prendre Cambernon. La capture rapide de Cambernon par le CCB et l'annulation de Monthuchon et de Coutances comme les objectifs du VIIème Corps ont incité le Général Huebner à changer encore la mission régimentaire (nettoyer le flanc gauche de la division). Avançant sur un terrain infesté de retardataires ennemis et des restes d’unités allemandes, le 26ème R.I. a exécuté la mission. En début de soirée, son principal bataillon s'est tourné face au sud pour exercer une pression sur l'arrière des troupes allemandes encerclées près du village de Savigny.

Le décalage du CCB vers le sud combiné et le détour au sud du 26ème R.I. étaient une conséquence des mouvements de troupes allemandes et d'une situation changeante ne dépendant pas de COBRA. La bataille principale ne devait plus se produire comme prévu initialement dans la région triangulaire formée entre Lessay et Coutances par les routes conduisant respectivement de Lessay et de Coutances vers Saint-Lô. Mais le VIIème Corps avait encerclé Coutances et coupé la retraite des allemands. Certes, cela manquait de grandeur, puisque la division n'avait ni pris Coutances ni piégé les Allemands au Nord de la route Saint-Lô-Coutances. Mais le piège dressé était lui bien réel, même si en trois jours, la division n'avait fait que 565 prisonniers.

...et la facile conquête de Saint-Gilles

Le 26 juillet 1944, le Brigadier général Maurice Rose, à la tête du CCA de la 3ème Division blindée, avec le 22ème R.I. y attaché, a traversé la zone de la 30ème D.I. en direction de Saint-Gilles, en une simple colonne. Juste après leur traversée de la route Périers-Saint-Lô, un canon antichar ennemi a détruit un Sherman. Alors que la colonne reprenait sa progression, des tirs dispersés d'artillerie et des tirs antichars de rangées de haies ou de fossés défendus occasionnellement ont produit une résistance décousue retardatrice quand elle se combinait avec les cratères de bombe, en interdisant une progression rapide. Au début de l'après midi un barrage routier défendu à plusieurs centaines de yards au nord de Saint-Gilles a retardé la progression jusqu'à ce que le tir d'un char et une attaque aérienne détruisent quatre tanks Mark IV et un canon automoteur, en dépouillant l'opposition allemande. Au milieu de l’après-midi, le CCA traversait Saint-Gilles, confirmant la réalité de la percée réussie du VIIème Corps d'armée U.S.

Au sud de Saint-Gilles, le CCA de la 2ème Division blindée, avec le 22ème R.I. toujours attaché, se sont dirigés vers son objectif d'exploitation: une hauteur à cinq miles au-delà de Saint-Gilles, dominant un réseau étendu de routes menant dans la zone de COBRA à partir de l'est et du sud. Là, à Saint-Samson-de-Bonfossé, le Mesnil-Herman, et la colline 183, les blindés ne pouvaient trouver que de bonnes positions de défense pour arrêter toute contre-attaque allemande traversant la Vire. Le CCA avait plus de difficultés avec des cratères de bombe, les champs de mine, et les rangées de haies qu'avec la résistance ennemie occasionnelle. Le général Collins a alors donné l'ordre de poursuivre l'attaque pendant la nuit, parfaitement conscient que les Allemands n'avaient pas cru en la destruction complète de la Panzer Lehr et que cette progression isolait parfaitement les troupes allemandes encore massées autour de Coutances. Néanmoins, pour accéder à Saint Gilles, le CCA avait du passer par Canisy à deux miles au sud de Saint-Gilles, précédée par les bombardiers en piqué qui ont mis la moitié de la ville en feu.

Infanterie motorisée U.S. entrant dans Canisy
Photo extraite de "BREAKOUT AND PURSUIT", par Martin Blumenson,
pour le CENTER OF MILITARY HISTORY UNITED STATES ARMY
(service historique du Pentagone)(cf. 13)
A la sortie de Canisy, le Général Rose a divisé son Groupe de Combat (CCA) en deux colonnes: L’une se déplaçant en direction du sud-ouest vers Saint-Samson-de-Bonfossé, l'autre au sud vers le Mesnil-Herman. Une heure avant minuit une colonne est entrée dans Saint-Samson-De-Bonfossé sans combat. Trois heures plus tard, l'autre colonne capturait le carrefour au nord du Mesnil-Herman, en y faisant halte. Le lendemain matin, 27 juillet, pendant que les batteries du 14ème bataillon blindé d'artillerie de campagne la distance tout en fournissant à la demande un appui feu vers l’avant de la colonne, le CCA a engagé des chars ennemis et des canons antichars avant de prendre et de contrôler Le Mensil-Herman. La colline 183 était tombée entre les mains américaines dans l'après-midi. Le CCA avait complètement accompli sa mission initiale dans Cobra. Au matin du 28 juillet, L’ordre de rattachement du CCA et de son régiment attaché au VIIème Corps est intervenu.


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Notes sur les Sources:
  1. Page web sans titre décrivant divers actes de résistance dans la Manche et dans le canton de Beaucoudray entre juin 1940 et la fin juillet 1944
  2. "La guerre secrète" ou "The rempart of Lies" d'Anthony Cave Brown, tome II (Le jour "J" et la fin du IIIème Reich) Chapitre VIII de l'Edition du Pygmalion (Paris).
  3. "Break out and Pursuit", par Martin Blumenson, pour le CENTER OF MILITARY HISTORY UNITED STATES ARMY (service historique du Pentagone)
  4. Il est bon de savoir que les groupes de bombardement agissaient par principe sous la règle de silence radio, afin que les ordres concernant la mission ne soient pas repérés et dénaturés par le contrôle aérien allemand, comme cela était déjà survenu au dessus de l'Allemagne. Or, cette régle de silence absolu n'aurait pas du être applicable aux bombardements stratégiques à la limite du front américain.
  5. Informations tirées de l'Ouvrage «Ultra in the West» de Ralph Bennet, pp. 83 à 95 de l'édition "Hutchinson of London".



dernière mise à jour le 28 avril 2015